Etude sur le lien entre les tentatives de suicide et les violences conjugales :

Les études sur le lien entre TS et violences au sein du couple :

Les études portant sur le lien entre violences au sein du couple (VSC) et suicides ou tentatives de suicides (TS) ou pensées suicidaires sont très rares et donc a fortiori le chiffrage des suicides forcés de femmes victimes de VSC qui est de fait inexistant. Nous appuierons l’estimation faite dans ce délivrable sur les quelques études existantes.

Quelques études antérieures :

Selon diverses études provenant d’Europe et du reste du monde, l’impact sur la santé physique et psychologique des violences entre partenaires intimes est non négligeable. La santé mentale des victimes est lourdement fragilisée, avec des risques plus importants de développer :

  • De l’anxiété (Coker et al., 2004; Pico-Alfonso et al., 2006 Hirigoyen, 2009; Cavanaugh et al., 2011; Change et al., 2018);
  • Des troubles du sommeil (Hirigoyen, 2009);
  • Des troubles alimentaires (Chang et al., 2018);
  • Des troubles psychosomatiques (céphalées, douleurs chroniques, difficultés à respirer, etc) (Hirigoyen, 2009);
  • Une addiction (Chauvin, 2002; Coker et al., 2004; Pico-Alfonso et al., 2006; Cavanaugh et al., 2011; Chang et al., 2018) (plus qu’en cas de violence sexuelle subie dans l’enfance) (chauvin, 2002);
  • Une dépression (Coker et al., 2004; Pico-Alfonso et al., 2006; Cavanaugh et al., 2011; Devries et al., 2013; Chang et al., 2018) (plus qu’en cas de violence sexuelle subie dans l’enfance) (Chauvin, 2002) (plus de la moitié des femmes victimes) (Hirigoyen, 2009).

Le risque de suicide est également prédit par les violences entre partenaires intimes selon plusieurs études longitudinales (Devries et al., 2013). En effet, il existe une forte corrélation entre violence entre partenaires et idéation suicidaire (Pico-Alfonso et al., 2006; Chan et al., 2008), par l’entremise de la dépression (Chan et al., 2008). 76% des victimes de l’enquête de Citoyenne féministe (2019) avaient des idées suicidaires, cela serait plus de 7 fois le taux retrouvé chez les non victimes (Afifi, et al., 2009, cités par Cavanaugh et al., 2011). Selon les études (Chan et al., 2008; Cavanaugh et al., 2011; Citoyenne féministe, 2019), 20% à 29% des victimes de violences entre partenaires intimes avaient tenté de se suicider au moins une fois. Le taux serait de 5 à 8 fois supérieur au taux de la population générale (Chauvin, 2002; Hirigoyen, 2009).

Le risque de comportements suicidaires varierait en fonction:

  • De la présence chez la victime d’une maladie chronique ou invalidante, les multipliant par 2, 4, et éventuellement du fait d’un isolement social et d’un contrôle de la part du conjoint plus importants (Cavanaugh et al., 2011);
  • De l’âge, les plus jeunes étant plus à risque (Cavanaugh et al., 2011);
  • De l’ethnicité, puisque les afro-américaines avaient un risque de 40% plus faible que les latino-américaines (Cavanaugh et al., 2011);
  • Des comportements suicidaires du conjoint (Cavanaugh et al., 2011);
  • De la sévérité (Coker, et al. 2002; Sato-DiLorenzo & Sharps, 2007, cités par Cavanaugh et al., 2011), entre autres la létalité potentielle (Sato-DiLorenzo & Sharps, 2007, cités par Cavanaugh et al., 2011), de la violence subie. Cependant, selon Pico-Alfonso et al. (2006), l’impact de la violence serait identique qu’elle soit uniquement psychologique ou à la dois psychologique et physique.

L’espoir pourrait à la fois être facteur de protection, comme facteur de risque. Ce dernier cas parce que trop d’espoir pourrait amener plus de vulnérabilité à l’accumulation d’évènements de vie stressants (Chang et al., 2018).

Ces constats s’expliquent : en raison du fait qu’en cas de crainte pour leur vie, les victimes peuvent envisager le suicide comme seul moyen d’exercer un contrôle sur une situation devenue intenable (Cavanaugh et al., 2011; Citoyenne féministe, 2019); la sensation que le suicide est la seule solution afin de mettre fin à la douleur ressentie; la volonté de trouver la « paix »; la volonté de se conformer aux attentes de l’agresseur; la sensation d’être incapable de vivre sans l’auteur des violences; ou encore la multiplication des contraintes (Citoyenne féministe, 2019).

Selon Wolfort-Clevenger et Smith (2017), le contrôle coercitif présent dans certaines situations de violences entre partenaires intimes est fortement associé aux comportements suicidaires, lien expliqué par la théorie de la vulnérabilité fluide.

Dans l’étude de Sylvia Walby (Université de Leeds – UK) de 2004 « The cost of domestic violence », il est fait état du fait qu’il existe des preuves d’une forte association entre la violence domestique et tentative de suicide. Au Royaume-Uni, 1 497 décès de femmes par suicide ont été enregistrés en 2000, et après enquête 188 sont imputables directement au VSC, soit 12,5%. 

L’étude de Prystel (France) de 2008 menée dans le cadre d’un projet européen DAPHNE « Estimation de la mortalité par violences conjugales en Europe » prend en compte, pour la France, les données issues de l’enquête ENVEFF renseignant le taux de tentatives de suicide chez les femmes ayant subi des violences graves et chez celles ayant subi des violences très graves. L’étude conclut à un taux de 13% de suicide en lien direct avec les VSC. 

L’étude spécifique la plus récente sur le sujet est celle de l’Université du Kentucky (USA). Cette étude du département d’épidémiologie (Sabrina Brown et Jacqueline Seals), publiée dans Journal Injury and Violence de janvier 2019 avait pour but de déterminer le pourcentage des suicides dans le Kentucky entre 2005 à 2015 où des problèmes avec le partenaire intime, y compris des violences, ont été identifiés. Les données de l’Etat du Kentucky issues du Système national d’enregistrement des morts violentes (NVDRS) ont été utilisées à cette fin. Le NVDRS enregistre les informations des certificats de décès et les rapports d’enquête des médecins légiste, des forces de l’ordre, de toxicologie et les rapports médico-légaux. Les chercheuses ont repris les dossiers de tous les suicides de la période, soit un total de 7 008 suicides. Elles ont ainsi identifié 1 327 (26% des cas documentés) de suicides où étaient évoqués « des problèmes au sein du couple » (séparation, divorce, méfiance, jalousie, discorde) et/ou des violences au sein du couple. L’étude distingue en effet « problèmes au sein du couple » et « violences au sein du couple », le second étant l’une des catégories possibles du premier. 575 cas de problèmes au sein du couple (physique, sexuelle, psychologique). Cependant, les résultats fournis dans l’article ne sont pas suffisamment genrés pour différencier ces résultats suivant le sexe du défunt. Le résultat global, utile pour notre estimation est donc le suivant: dans 11% des suicides étudiés (43% des 26%), la violence du partenaire intime a contribué au suicide.

Utilisation des résultats de l’enquête Virage:

  • La publication récente des premiers résultats concernant les violences psychologiques issus de l’enquête Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et les hommes – enquête dite Virage, apporte en effet un nouvel éclairage. Cette enquête est une enquête de grande envergure réalisée en France auprès de 27 268 femmes et hommes âgés de 20 à 69 ans avec l’objectif de mesurer l’ampleur des violences subies tant par les femmes que par les hommes et d’objectiver leur prévalence à l’aide d’autres informations sur les contextes et les conséquences des violences. La collecte des données a été menée en 2015.
  • Au cours des 12 derniers mois ayant précédé l’enquête, les violences dans la sphère conjugale sont recueillies par 32 questions (24 portant sur les insultes et les faits d’ordre psychologiques, 6 sur les violences d’ordre physique et 2 sur les violences sexuelles). Le rapport spécifique établi pour ce groupe de travail par l’équipe Virage (Elizabeth Brown, Magali Maruy et l’équipe de Virage – document du 15 octobre 2019) indique que « sur 1000 femmes en couple ou l’ayant été dans l’année, 179 déclarent des violences psychologiques (insultes, dénigrement, ambiance menaçante, chantage économique, menace sur les enfants), 13 des violences physiques et 3 des violences sexuelles, sachant que ces faits peuvent se combiner, les violences physiques et sexuelles étant toujours associées à de la violence psychologique ».
  • Les violences psychologiques sont fréquentes, multiples et répétées pour les femmes indique l’équipe : 17,9% des femmes interrogées en couple ou récemment séparées (ayant eu une relation de couple qui a duré au moins 4 mois pendant les 12 derniers mois) déclare donc au moins un fait de violence psychologique dans les 12 derniers mois. Parmi elles, 30% ont déclaré au moins trois faits de violences psychologiques et 31% au moins un fait fréquent (« souvent », « presque toutes les semaines », « tous les jours ou presque »). L’équipe ajoute que: « les déclarations de violences physiques ou sexuelles s’accompagnent presque toujours de déclarations de faits de violence psychologique, notamment jalousie et contrôle, insultes et dénigrement, ambiance menaçante ».
  • Quant aux idées noires et aux tentatives de suicide dans les 12 derniers mois, les résultats issus de Virage sont les suivants : « Parmi les femmes qui ont déclaré avoir subi des faits de violence psychologique dans les 12 derniers mois, 22,3% ont aussi répondu avoir eu à plusieurs reprises des idées noires, pensé qu’il vaudrait mieux être morte, ou pensé à se faire du mal, au cours des deux dernières semaines (versus 14,5% de celles qui n’ont pas déclaré de violences psychologiques). Plus d’une femme sur 200 (0,6%) ayant rapporté des faits de violence psychologique déclare avoir fait une tentative de suicide dans les 12 derniers mois soit quatre fois plus que les femmes ne déclarant par de violence (0,15%) ».
  •  Le rapport contient bien d’autres données utiles, mais on retiendra deux constatations essentielles: 17,9% des femmes en couple ou récemment séparées déclarent avoir subi au moins un fait de violence psychologique dans les 12 derniers mois. Ces faits peuvent être multiples (dans 30% des cas) et fréquents (dans 31% des cas). Par ailleurs, les déclarations de violences physiques et sexuelles sont toujours associées aux déclarations de violence psychologique. 

C’est à partir de ces éléments que nous allons pouvoir mener notre calcul. Nous savons donc que: 

  • sur 1000 femmes (de 20 à 69 ans) en couple ou l’ayant été dans l’année, 179 déclarent des violences psychologiques = 17,9%;
  • 0,6% des femmes ayant rapporté des faits de violence psychologique déclarent avoir fait une tentative de suicide dans les 12 derniers mois;
  • Les données françaises du recensement 2017 publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) permettent de connaître le nombre de femmes de 20 à 69 ans vivant en couple.

  • La caractéristique principale des violences conduisant au suicide forcé, c’est d’être des violences psychologiques répétées. Nous savons que parmi les femmes victimes de violences psychologiques (17,9%), 31% au moins le sont de façon fréquente. Nous pouvons donc en déduire le nombre de femmes de 20 à 69 ans vivant en couple et victimes de violences psychologiques répétées: 12 954 728 * 0,179 * 0,31 = 718 858. Parmi elles, 0,6% déclare une TS dans les 12 derniers mois, soir 718 858 * 0,006 = 4 313.
  • Par ailleurs, nous pouvons connaître le nombre total des TS chez les femmes de cette tranche d’âge en nous appuyant sur le taux d’hospitalisation de femmes pour TS par tranche d’âge:

  • Nous pouvons donc calculer le % de TS attribuable aux violences psychologiques fréquentes au sein du couple parmi l’ensemble des TS pour les femmes de 20 à 69 ans : 4 313/37 666 = 11,5%
  • Constatations en définitive que, bien qu’il y ait peu de données chiffrées sur le sujet, les résultats de ces études convergent vers un ordre de grandeur commun entre 11% et 13% de TS imputables principalement aux violences au sein du couple. C’est cette borne inférieure de 11% que nous allons utiliser pour la suite de nos calculs.
 

Méthode utilisée: 

  • Nous ne pouvons pas, bien entendu, avoir un accès direct ex post aux raisons qui ont conduit un être humain à se suicider. Il est malheureusement trop tard pour avoir son témoignage. Les « autopsies psychologiques » qui sont par définition « une procédure post‐mortem d‘investigation visant à établir et évaluer les facteurs de risques de suicide présents au moment du décès, dans le but de déterminer avec le plus haut degré de certitude le mécanisme ayant conduit à la mort » sont encore trop rares pour être utilisées dans une approche quantitativiste. Par contre, nous pouvons mieux connaître, bien que toujours imparfaitement, les raisons qui ont conduit des femmes à faire une TS, c’est ce que nous avons vu dans le chapitre précédent. On sait bien que les raisons d’un suicide sont multifactorielles, cependant, les études épidémiologiques nous
    apprennent que le facteur prédictif le plus fort d’un suicide est le fait d’avoir déjà fait une TS. Il y a donc un lien très puissant entre suicide et TS, les mêmes causes produisant les même effets en plus extrême. C’est ainsi que, faute d’une autre méthode scientifiquement plus assurée, nous
    sommes conduits à formuler l’hypothèse d’une même distribution des causes de TS dans les causes des suicides.
  • Les témoignages recueillis dans de nombreux cas de suicide forcé avéré, dont nous avons fourni quelques exemples dans le délivrable précédent « État des lieux de la notion de suicide forcé en Europe », nous confortent dans cette hypothèses que les violences psychologiques au sein du couple peuvent être la cause principale d’un passage à l’acte. Les comorbidités généralement associées à ces actes (dépression, troubles anxieux, etc.) peuvent aussi s’interpréter comme des conséquences de ces violences.
  • Cette raison « faute de mieux » scientifiquement, associée aux études épidémiologiques sur les causes de TS et aux constations faites dans les observations de cas conduites par les expert.e.s en matière de violence au sein du couple, nous conduit à valider l’hypothèse d’un pourcentage de
    suicides attribuable aux violences au sein du couple a minima autour de 11%. Ce chiffre ne vaut que pour les pays des régions Europe et Amérique (au sens de l’OMS) du fait des quelques études sur lesquelles il s’appuie (États‐Unis, Royaume‐Uni, France).

Estimation du nombre des SF en Europe :

  • Nous partons donc de l’examen du nombre de suicides de femmes par classes d’âge pour les EM de l’UE27 fourni par Eurostat pour 2017 qui est l’année la plus récente avec des chiffres complets de mortalité publiés (Causes of death ‐ deaths by country of residence and occurrence) pour ces
    pays. Les données brutes sont les suivantes concernant les suicides de femmes :

En appliquant uniformément notre pourcentage de 11% de SF à l’ensemble des suicides de femmes dans les EM, nous obtenons le tableau ci-dessous: 

On observe donc que :

  • le nombre de suicides forcés en France en 2017 est estimé à 209 ;
  • le nombre de suicides forcés en Belgique en 2017 est estimé à 52 ;
  • le nombre total de suicides forcés dans les EM EU27 en 2017 est estimé à 1 136.

Les conséquences sur le nombre des féminicides en France en 2017 :

  • Les chiffres produits chaque année depuis 2006 par la Délégation aux victimes (DAV) des directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale sur les morts violentes au sein du couple sont essentiels à la détermination du nombre des victimes. Ainsi, pour 2017,
    nous avons les chiffres suivants concernant les morts violentes :

Femmes victimes au sein du couple (féminicides) : 130
Hommes victimes au sein du couple : 21
Enfants victimes : 25
Victimes collatérales : 12

  • Ces données restent incomplètes du fait qu’il nous manquait un chiffrage des suicides de femmes dont la cause principale est les violences qu’elles subissent au sein du couple, les « suicides forcés », comme conséquences ultimes des violences psychologiques, physiques et/ou sexuelles
    subies. En ajoutant à ces données notre estimation du nombre de SF pour la France en 2017, nous obtenons :

Femmes victimes au sein du couple (féminicides) : 130
Femmes victimes d’un suicide forcé : 209, soit un total de 339 décès de femmes victimes de VSC pour 2017.

Nous avons volontairement exclu de ce total les suicides des auteurs des homicides pour ne pas regrouper dans un même total les victimes et les auteurs des crimes, ni les enfants et victimes collatérales pour nous en tenir au seul nombre de femmes victimes. Cependant, il est vrai que nous additionnons ensemble des chiffres constatés (ceux de la DAV) et des chiffres estimés (ceux des suicides forcés), mais nous sommes ainsi assurément plus proches de la réalité qu’avec les seuls chiffres constatés.

  • C’est donc près d’une femme victime par jour que font les violences au sein du couple en France en 2017 et non une tous les 3 jours, comme il est rapporté habituellement si l’on considère restrictivement les seules féminicides.

Les conséquences sur le nombre des féminicides en Belgique en 2017 :

  • En Belgique, on dénombre en moyenne une quarantaine de féminicides par an, mais il n’y a pas encore de relevés officiels des pouvoirs publics. Il s’agit d’un recensement de la presse qui est réalisé par les associations via le blog « Stop Féminicide » : http://stopfeminicide.blogspot.com/.  Le blog Stop Féminicide a été créé et est mis à jour par la Plateforme Féministe contre les Violences Faites aux Femmes. Cette plateforme regroupe des organisations indépendantes des gouvernements et des partis politiques qui souhaitent réfléchir et agir contre les violences envers les femmes en Belgique, à travers une lecture et une approche féministes. Ce blog répertorie les crimes, met des visages sur les chiffres et ce afin de faire pression sur les pouvoirs publics. Ainsi, pour 2017, nous avons les chiffres suivants concernant les morts violentes : Femmes victimes au sein du couple (féminicides) : 43; Enfants victimes : 4.
  • Ces données restent incomplètes du fait qu’il nous manquait un chiffrage des suicides de femmes dont la cause principale est les violences qu’elles subissent au sein du couple, les « suicides forcés », comme conséquences ultimes des violences psychologiques, physiques et/ou sexuelles
    subies. En ajoutant à ces données notre estimation du nombre de SF pour la Belgique en 2017, nous obtenons : Femmes victimes au sein du couple (féminicides) : 43; Femmes victimes d’un suicide forcé : 52; soit un total de 95 décès de femmes victimes de VSC pour 2017.

Nous avons volontairement exclu de ce total les enfants victimes pour nous en tenir au seul nombre de femmes victimes. Cependant, il est vrai que nous additionnons ensemble des chiffres constatés (ceux non officiels recensés dans la presse par les associations) et des chiffres estimés (ceux des suicides forcés), mais nous sommes ainsi assurément plus proches de la réalité qu’avec les seuls chiffres constatés.

  • C’est donc près d’une femme victime tous les 4 jours que font les violences au sein du couple en Belgique en 2017 et non une tous les 10 jours, comme il est rapporté habituellement si l’on considère restrictivement les seules féminicides.
  • En Europe EU27, c’est plus de 1 000 décès de femmes par suicide forcé que l’on doit ajouter au nombre des victimes de féminicides.
  • Nous appelons donc les autorités politiques, les médias et les associations à se référer à ce chiffre qui est bien plus élevé, et hélas plus proche de la réalité, que les chiffres, déjà insupportables habituellement cités.

Les limites de l’estimation :

En suivant les étapes de notre raisonnement pour arriver à notre estimation du nombre des SF, nous avons successivement :

  • effectué la synthèse des trop peu nombreuses études concernant les causes possibles des tentatives de suicides chez les femmes ;
  • déterminé un pourcentage de TS imputable principalement aux VSC ;
  • émis l’hypothèse que l’on pouvait appliquer ce pourcentage de cause de TS aux causes des suicides aboutis eux‐mêmes ;
  • appliqué ce même pourcentage à l’ensemble des EM en Europe EU27.
  • Nous avons par ailleurs appliqué une règle prudentielle en choisissant la borne inférieure du pourcentage de cause de TS attribuable aux VSC, en étant conscient que le nombre des suicides relevé dans les mécanismes officiels de déclaration des causes de mortalité est systématiquement sous‐estimé, en explicitant clairement notre procédure de calcul et ses faiblesses possibles.
  • Nous sommes conscients que ce mécanisme de chiffrage n’est pas scientifiquement assuré, mais qu’il conduit à un « ordre de grandeur raisonné ». Il nous semble que nous sommes plus proches de la vérité concernant l’ampleur du nombre de décès de femmes victimes de VSC en incluant ce chiffrage qu’en l’excluant !

Les moyens de l’améliorer : Il existe plusieurs pistes pour améliorer la robustesse de notre méthodologie :

  • Proposition 1 : Mener des études approfondies et spécifiques en France et d’en d’autres EM sur le lien existant entre VSC d’une part et tentatives de suicide d’autre part pour mieux éclairer, comprendre, chiffrer et prévenir les suicides forcés. Le présent projet y participe.
  • Proposition 2 : Relever systématiquement les données concernant les VSC possibles dans les enquêtes de police ou de gendarmerie post suicide, tout en « genrant » bien entendu les données recueillies. Cela revient à systématiser les procédures d’autopsie psychologique pour mieux approfondir les causes des suicides.
  • Proposition 3 : Sensibiliser et former les personnels de première ligne (policiers, gendarmes, pompiers, personnels des urgences) à l’existence et à la détection des tentatives de suicides en lien avec les violences au sein du couple.

Des études sur le lien entre violences au sein du couple et suicide ou TS:

Il est indispensable de considérer la violence au sein du couple comme un problème de santé publique. En effet, selon les chiffres de l’OMS, les femmes victimes de violences entre partenaires intimes perdent une à quatre années de vie en bonne santé. En outre, ces violences multiplient par
deux les dépenses relatives aux soins de santé pour ces femmes. Il est également important de préciser que les coûts des violences conjugales s’élèveraient au chiffre impressionnant de 16 milliards d’euros en Europe.

Plusieurs études se sont données pour objectif d’analyser les conséquences des violences entre partenaires intimes sur la santé mentale des femmes, certaines ayant mis en évidence les corrélations entre ces violences et les tentatives de suicides faites par les femmes victimes. Une présentation de ces articles est dressée dans les lignes qui suivent.
Note : Nous supposons logiquement que les chiffres renseignés dans les articles concernent la vie jusqu’alors lorsqu’aucune autre durée n’est mentionnée.

  • Article n°1 : Morvant, C., Lebas, J., & Chauvin, P. (2002). Les conséquences des violences conjugales sur la santé des femmes et leur prise en charge en médecine de premier recours. Retrieved from https://www.researchgate.net/profile/PierreChauvin/publication/10900409_Consequence
    s_of_domestic_violence_on_women%27s_health_and_their_management_in_primary_health_care/links/5c8fc216299bf14e7e844d97/Consequences‐of‐domestic‐violence‐on‐womens‐health‐and‐their‐management‐in‐primary‐health‐care.pdf [France]

Une étude menée en 2002 s’attelant à analyser les conséquences des violences conjugales sur la santé des femmes a dégagé certaines conclusions.
Tout d’abord, il est important de noter que la moitié des femmes qui font l’objet d’une hospitalisation en psychiatrie souffre de violences de la part leur partenaire. En outre, le risque de syndrome post‐traumatique et de dépression paraît être plus important dans des contextes de violences conjugales que de violences sexuelles subies dans l’enfance. Il en est de même en ce qui concerne la consommation de psychotropes, laquelle est très élevée chez ces femmes victimes. Elle est, en effet, 4 à 5 fois plus importante comparativement à la population générale.
Enfin et plus fondamentalement, en conséquence des précédents éléments, elles feraient 5 fois plus de tentatives de suicide comparé à la population générale. 

  • Article n°2 : Cavanaugh, C. E., Messing, J. T., Del‐Colle, M., O’Sullivan, C., & Campbell, J.C. (2011). Prevalence and Correlates of Suicidal Behavior among Adult Female Victims of Intimate Partner Violence. Retrieved from https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3152586/pdf/nihms282593.pdf [USA]

Cette étude avait pour objectif de mettre en avant la prévalence et les corrélats des menaces de suicide et de tentatives de suicides chez 662 femmes victimes de violence entre partenaires intimes. Selon l’Institut national de la santé, les femmes victimes de violence entre partenaires intimes ont
plus de risque d’avoir des pensées et/ou conduites suicidaires. En effet, une étude révèle que les femmes victimes ont 7 fois plus de risque de présenter des pensées suicidaires par rapport aux femmes qui ne sont pas confrontées à ce type de violences. Par ailleurs, une victime sur cinq a
menacé ou tenté de se suicider au cours de sa vie.
L’article adopte une perspective intersectionnelle intéressante.

Ainsi, les femmes souffrant de maladie chronique ou invalidante présentaient 2,4 fois plus de risques d’avoir menacé ou tenté de se suicider que les autres. Ces données peuvent s’expliquer en raison du fait que ces personnes peuvent être davantage isolées socialement et contrôlées par leur conjoint et peuvent donc voir le suicide comme étant la seule porte de sortie envisageable.
Les femmes plus jeunes sont significativement plus touchées.

L’ethnicité constitue également une variable importante puisque les victimes afro‐américaines sont 40% moins susceptibles d’avoir menacé ou tenté de se suicider que les latino‐américaines. De plus, certaines circonstances peuvent aggraver le risque que les victimes de violences menacent ou tentent de se suicider.

Pour commencer, les victimes présentant un risque plus important de subir des agressions potentiellement mortelles de la part de leur partenaire intime encourent une probabilité sensiblement plus élevée d’avoir menacé ou tenté de se suicider.

En outre, les sévices graves infligées par le conjoint ainsi que la dangerosité de celui‐ci ont également un impact.

Ces constats s’expliquent en raison du fait qu’en cas de crainte pour leur vie, les victimes peuvent envisager le suicide comme seul moyen d’exercer un contrôle sur une situation devenue intenable. Le danger considérable encouru dans le cadre d’une relation violente impacte la santé mentale des femmes qui en sont victimes qui ont plus de risque de subir un syndrome de stress post‐traumatique, de l’anxiété et de la dépression. Ces conséquences attachées à la violence grave sur la santé mentale des femmes aggravent, à leur tour, la probabilité que les victimes aient des pensées suicidaires.

Finalement, il est apparu que les femmes victimes dont le conjoint avait menacé ou tenté de se suicider présentaient un risque plus élevé d’avoir elles‐mêmes menacé ou tenté de se suicider.

  • Article n°3 : Devries, K.. M., Mak, J. Y., Bacchus, L. J., Child, J. C., Falder, G., Petzold, M., Astbury, J., & Watts, C. H. (2013). Intimate Partner Violence and Incident Depressive Symptoms and Suicide Attempts: A Systematic Review of Longitudinal Studies. Retrieved from https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3646718/pdf/pmed.1001439.pdf [USA, Australie, Inde, Suède, Nicaragua, Afrique du Sud].

La présente revue systématique et méta‐analyse, incluant des études longitudinales publiées avant février 2013, vise à étudier les liens existant entre la violence entre partenaires intimes et la dépression ainsi que les tentatives de suicide, et inversement.

Certaines études ont, d’une part, révélé que les contextes de violence conjugale étaient fortement et systématiquement associés aux troubles dépressifs et aux suicides. Une enquête a mis en évidence que la violence entre partenaires intimes doublait le risque de souffrir de symptômes dépressifs.

Il existe, d’autre part, des associations dans le sens inverse. Une analyse a montré que les symptômes dépressifs doublaient le risque que les femmes soient victimes de violences conjugales.

La présente étude confirme cette direction bidirectionnelle : les femmes souffrant de dépression sont plus susceptibles d’être dans une relation abusive mais le fait d’être dans une relation abusive prédit un trouble dépressif et augmente, de la sorte, le risque de tentative de suicide.

  • Article n°4 : Citoyenne Féministe. (2019). Violences conjugales : dépression et envie suicidaire. Retrieved from https://static.mediapart.fr/files/2019/10/02/enquete‐cf‐violences‐ conjugales‐et‐envie‐suicidaire.pdf [France].

Le mouvement « Citoyenne Féministe » avait pour objectif, dans la présente enquête, de mettre en avant le phénomène des suicides forcés. 584 victimes ont répondu à un questionnaire en ligne.

Il ressort de son étude que 76% des victimes ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires, que 29% d’entre‐elles ont fait des tentatives de suicides et que 13% ont été hospitalisées en psychiatrie.

Ces chiffres s’expliquent au regard de plusieurs raisons : la sensation que le suicide est la seule solution afin de mettre fin à la douleur ressentie ; la volonté de trouver la « paix » ; l’envie de reprendre le contrôle par le biais du suicide ; la volonté de se conformer aux attentes de l’agresseur ; la sensation d’être incapable de vivre sans l’auteur des violences ou encore la multiplication des contraintes.

  • Article n°5 : Hirigoyen, M.‐F. (2009). De la peur à la soumission. Retrieved from https://www.cairn.info/revue‐empan‐2009‐1‐page‐24.htm [France]

Le présent article vise à mettre en lumière les effets dévastateurs de la violence conjugale sur la santé des femmes qui la subissent.

La violence entre partenaires intimes peut, tout d’abord, provoquer des troubles psychiques tels que l’anxiété, des troubles du sommeil, des difficultés pour se concentrer, etc. Ces difficultés entraînent, pour beaucoup de ces femmes, des consommations importantes d’alcool, de toxiques ou encore de médicaments psychotropes.

Un certain nombre de troubles psychosomatiques peuvent également se présenter. Certaines femmes victimes peuvent ainsi souffrir de douleurs chroniques, de céphalées, de difficultés respiratoires, etc.

Il est important de mettre en lumière que la dépression touche plus de la moitié des femmes victimes de violences de la part de leur conjoint. Elles feraient également 5 à 8 fois plus de tentatives de suicide par rapport à la population générale.

  • Article n°6 : Chan, K. L., Straus, M. A., Brownridge, D. A., Tiwari, A., & Leung, W. C. (2008). Prevalence of dating partner violence and suicidal ideation among male and female university students worldwide. Retrieved from http://hub.hku.hk/bitstream/10722/60541/1/Content.pdf [21 pays]

Il s’agit d’une enquête visant à mesurer la proportion, au sein d’un large échantillon d’étudiant∙e∙s, des personnes ayant perpétré de la violence physique et/ou sexuelle à l’encontre de leur partenaire intime. Il était également question de faire le lien entre les violences conjugales et les
idées suicidaires.

Il ressort de l’étude qu’il existe une forte corrélation entre la violence entre partenaires intimes et les idées suicidaires et ce, tant du côté des auteurs que celui des victimes. C’est la dépression qui explique la relation entre la violence dans les fréquentations et les idées suicidaires.

Le sondage a également mis en avant le fait que les femmes exposées à de la violence entre partenaires intimes sont plus susceptibles que les autres d’avoir fait une tentative de suicide. Les taux des tentatives de suicide chez les femmes victimes s’élèvent de 20 à 26%.

  • Article n°7 : Chang, E. C., Yu, E. A., Kahle, E. R., Du, Y., Chang, O. D., Jilani, Z., Yu, T., & Hirsch, J. K. (2018). The Relationship Between Domestic Partner Violence and Suicidal Behaviors in an Adult Community Sample: Examining Hope Agency and Pathways as Protective Factors. Retrieved from
    https://www.researchgate.net/publication/320289498_The_Relationship_Between_Domestic_Partner_Violence_and_Suicidal_Behaviors_in_an_Adult_Community_Sample_Examining_Hope_Agency_and_Pathways_as_Protective_Factors/link/5c34bca8299bf12be3b798d3/download [USA]

98 personnes de 18 à 64 ans ont participé à cette étude visant à déterminer les liens entre espoir, violences conjugales et idéations suicidaires.
La violence conjugale impacte lourdement la santé mentale des femmes qui la subissent. Elles sont, en effet, plus susceptibles de souffrir, entre‐autres, de dépression, d’anxiété, de troubles alimentaires et de stress post‐traumatique.
Des études ont mis en avant que 20 % des femmes victimes de violences entre partenaires intimes avaient menacé ou avaient tenté de se suicider au cours de leur vie. Bien qu’on sache que les violences entre partenaires intimes peuvent aggraver les comportements suicidaires, peu d’études
ont été menées afin de déterminer les potentiels facteurs de protection qui pourraient réduire le risque qu’elles adoptent ces dits comportements. C’est pourquoi le présent article vise à déterminer dans quelle mesure l’espoir pourrait avoir une influence à la fois sur les violences conjugales et sur le risque qu’elles entrainent des comportements suicidaires.
Les résultats de l’étude qui a été menée vont dans deux sens opposés : l’espoir peut effectivement atténuer la relation entre violence conjugale et comportements suicidaires mais il peut également l’exacerber. Une explication permettant de comprendre le deuxième effet est la suivante : le fait,
pour une personne, d’avoir un niveau d’espoir élevé peut la rendre plus vulnérable quand elle est confrontée à une accumulation d’événements de vie stressants, comme c’est le cas lors d’expériences de violence conjugale. Il est toutefois, nécessaire de poursuivre les études afin de comprendre dans quelle mesure l’espoir peut être plus ou moins bénéfique pour les victimes de violence entre partenaires intimes.

  • Article n°8 : Wolford‐Clevenger, C., & Smith, P. N. (2017). The Conditional Indirect Effects of Suicide Attempt History and Psychiatric Symptoms on the Association Between Intimate Partner Violence and Suicide Ideation. Retrieved from http://europepmc.org/backend/ptpmcrender.fcgi?accid=PMC5647881&blobtype=pdf [USA]

La présente enquête avait pour but l’approfondissement de la compréhension du lien entre la violence entre partenaires intimes et les comportements suicidaires, plus précisément dans la situation de femmes cherchant un abri auprès des professionnels ad hoc. L’étude visait à interroger l’impact du contrôle coercitif sur les pensées suicidaires. 134 femmes ont participé à cette étude transversale. L’enquête met en évidence le fait que les victimes cherchant un abri présentent un risque accru d’avoir eu des pensées suicidaires et de faire des tentatives de suicide (34%) comparativement tant aux autres victimes qui ne demandent pas une telle aide (6,6%) qu’aux femmes au sein de la population générale (4,2%). Ces résultats peuvent, entre autres, être justifiés en raison du fait que ces femmes sont soumises à un contrôle coercitif de la part de leur conjoint.

Le concept de contrôle coercitif renvoie à : « des stratégies répétitives, certaines étant violentes et d’autres non, dont les effets cumulatifs doivent être analysés dans leur contexte plus large de domination ».

Il se déploie à travers deux mécanismes.

D’une part, l’auteur peut avoir recours à de la coercition. Cette dernière vise toute stratégie adoptée par l’auteur des violences dans le but d’avoir ce qu’il désire dans l’immédiat. Le recours à la force ou la menace de l’utiliser constituent des méthodes qui peuvent être employées à cet égard.

D’autre part, l’agresseur peut utiliser la stratégie du contrôle. Le contrôle prend la forme d’une série de stratégies qui peuvent avoir lieu à différents moments au cours de la relation. Elles peuvent se concrétiser par des privations de droits et de ressources et l’imposition de micro‐régulations. Ces dernières renvoient à des règles dictées par le bourreau qui peuvent prendre des formes multiples et qui visent à maintenir le contrôle et la domination de l’auteur sur sa victime.

Ainsi, à l’inverse de la violence entre partenaires intimes qui se manifeste par des actes se déroulant selon une certaine gradation et de manière épisodique, la notion de contrôle coercitif renvoie aux stratégies cumulatives et invisibles que le conjoint met en place et dont certaines peuvent être vues comme étant de moindre gravité.

De nombreuses études ont, en effet, mis en avant que le contrôle coercitif était fortement associé à des idées et des comportements suicidaires.

C’est la théorie de la vulnérabilité fluide qui permettrait de comprendre les liens existant entre le contrôle coercitif, les symptômes psychiatriques et les comportements suicidaires. Selon cette théorie, « les facteurs de stress activent la vulnérabilité aiguë au suicide par le biais d’un « mode
suicidaire », qui implique des réponses distinctes, favorisant le risque de suicide, de la part des systèmes cognitif, affectif, physiologique et comportemental/motivationnel ».
« Plus précisément, les réponses cognitives impliquent une ou plusieurs croyances fondamentales négatives, telles que l’inutilité et le désespoir. Le système affectif est caractérisé par la dysphorie, impliquant divers états d’humeur négatifs tels que la tristesse, la colère et l’anxiété. Les composantes physiologiques de ce mode impliquent une excitation accrue. Les aspects comportementaux et motivationnels du mode suicidaire impliquent un désir clair de mort ou l’intention de mettre fin à ses jours ».
Il est important de noter que des précédentes tentatives de suicide vont faire naitre une vulnérabilité durable prédisposant ainsi les femmes victimes à l’activation du mode suicidaire. Ce dernier sera ainsi plus souvent activé par les victimes ayant fait plusieurs tentatives de suicide que celles n’en ayant fait qu’une seule ou n’en ayant pas fait en raison d’existence de cette vulnérabilité au mode suicidaire.
Les femmes soumises à des relations de contrôle peuvent être vulnérables à des pensées négatives orientées vers elles‐mêmes. Il apparait, ainsi, que les victimes qui cherchent de l’aide souffrent de symptômes dépressifs, de syndrome de stress post‐traumatique, de désespoir, etc.
D’après la théorie de la vulnérabilité fluide, ces troubles augmentent le risque d’adopter des comportements suicidaires.

  • Article n°9 : Coker, A. L., Smith, P. H., Thompson, M. P., McKeown, R. E., & Bethea, L. (2004). Social Support Protects against the Negative Effects of Partner Violence on Mental Health. Retrieved from https://uknowledge.uky.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=&httpsredir=1&article=1114&co
    ntext=crvaw_facpub [USA]

La présente enquête a été menée auprès de 1 152 femmes victimes de violences entre partenaires intimes, dont l’âge variait entre 18 et 65 ans dans des cliniques de médecine familiale entre 1997 et 1999. L’objectif poursuivi était de déterminer quel était l’impact des violences sur la santé
mentale des victimes et dans quelle mesure le soutien social pouvait réduire cet impact.

Les violences entre partenaires intimes ont des conséquences sur la santé mentale et physique des victimes. Ces dernières sont, en effet, plus susceptibles de souffrir de dépendance toxicomane, de symptômes de stress post‐traumatique, de dépression, d’anxiété et de comportements
suicidaires.

Il apparait, à la suite de cette enquête, que, parmi les femmes ayant témoigné de la violence subie auprès d’autres personnes, celles qui ont reçu du soutien de la part de ces personnes présentaient un risque réduit d’avoir des pensées ou d’adopter des gestes suicidaires. Ces victimes étaient, en
effet, moins susceptibles de présenter un mauvais état de santé mentale ou physique.

  • Article n°10 : Pico‐Alfonso, M. A., Garcia‐Linares, M. I., Celda‐Navarro, N., Blasco‐Ros, C., Echeburua, E., & Martinez, M. (2006). The Impact of Physical, Psychological, and Sexual Intimate Male Partner Violence on Women’s Mental Health: Depressive Symptoms, Posttraumatic Stress Disorder, State Anxiety, and Suicide. Retrieved from https://www.liebertpub.com/doi/pdf/10.1089/jwh.2006.15.599 [Espagne]

Cette étude avait pour visée d’établir l’impact des violences entre partenaires intimes (physiques, psychologiques et sexuelles) sur la santé mentale des victimes. Pour ce faire, une comparaison entre 75 femmes physiquement et psychologiquement abusées ; 55 femmes psychologiquement
abusées ; et 52 femmes non‐abusées ; a été menée.

Il apparait que les femmes victimes de violence (qu’elle soit physique et psychologique ou seulement psychologique) ont un risque plus élevé de présenter des symptômes dépressifs et anxieux, de stress post‐traumatique et des pensées suicidaires.

Il faut préciser que, d’après cette étude, il n’existe aucune différence en termes d’impact sur la santé des victimes entre celles exposées à de la violence physique et psychologique et celles exposées uniquement à de la violence psychologique. Ces résultats paraissent importants dans la
mesure où la violence morale est encore fortement considérée comme étant une violence de gravité moindre au sein de l’inconscient collectif.

  • Article n°11 : Mason, R., & O’Rinn, S. E. (2014). Co‐occurring intimate partner violence, mental health, and substance use problems: a scoping review. Retrieved from https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4240863/pdf/GHA‐7‐24815.pdf [Canada]

Cette revue de la littérature a dégagé 35 articles examinant le lien entre violence entre partenaires et santé mentale, publiés entre 2004 et 2014. L’objectif de ce travail était d’indiquer aux professionnels de la santé mentale de première ligne ce qu’il y avait à savoir pour procurer des
soins adaptés aux femmes victimes de violences entre partenaires intimes.

Déclarée épidémique en 2002 par l’OMS69, la violence entre partenaires qui s’abat majoritairement sur les femmes, prend aussi des formes et a des conséquences plus sévères pour les femmes.

Parmi ces conséquences figure le risque accru de développer un trouble de santé mentale, dont par exemple une addiction70, une dépression, une dysthymie, la suicidalité, une phobie, le trouble d’anxiété généralisée ou un état de stress post‐traumatique.

En particulier, l’abus émotionnel ou psychologique a été associé à une faible estime de soi, de la dépression et l’état de stress post‐traumatique.

Le risque de féminicide a été associé à la présence à la fois d’une dépression et d’un état de stress post‐traumatique. L’usage d’alcool par la victime par contre n’était pas associé au risque létal. En effet, dans une autre étude, les victimes qui subissaient les formes les plus sévères de violence
avaient plus de chance de présenter des comorbidités.

Une explication possible des liens entre abus dans l’enfance, à l’âge adulte et la consommation de substances, consiste dans le fait que les abus subis dans l’enfance peuvent entraîner faible estime de soi, dépression, anxiété, culpabilité et autres problématiques psychologiques, qui à leur tour
entraînent une vulnérabilité à la victimisation en tant qu’adulte et à l’auto‐médication via les produits.

  • On recense environs 2 000 suicides par an en Belgique. Le suicide représente la 7ème cause de mortalité de la population belge totale, toutes ces causes confondues. En se rapportant aux causes “externes” de décès, ce phénomène représente la première cause de mortalité. Il est important de préciser que la plupart des statistiques ne concernent que les suicides aboutis. Il n’existe, en effet, aucun relevé officiel des tentatives de suicides qui sont estimées être 10 à 20 fois plus nombreuses. 
  • Il est, toutefois, nécessaire d’être pudent-e-s à l’égard de ces chiffres en raison de l’existence d’une sous-estimation dans le nombre de décès causés par les suicides. Les raisons sont l’absence de critères précis pour déclarer les suicides et le manque d’autopsies qui auraient permis une identification de la cause du décès. La propension à déclarer un suicide peut varier en fonction, notamment, du médecin en charge de la certification, de critères d’ordre culturel ou religieux de la personne décédée ou de son entourage. Il en est de même concernant les déclarations de tentatives de suicides qui sont bien inférieures à la réalité. 

Certains groupes plus touchés? 

Critère du genre 

Le critère du genre a un fort impact dans les phénomènes de suicides et de tentatives de suicides. Les suicides aboutis concernent, pour une grande partie, les hommes. Les hommes se suicident, environs, trois fois plus que les femmes. 

Concernant les tentatives de suicides, la tendance est renversée: ce sont les femmes qui sont nettement plus touchées. En effet, la proportion de tentatives de suicide s’élève de 1 à 3 chez les hommes et de 1 à 14 s’agissant de femmes.

Parallèlement, selon un sondage réalisé en 2017, davantage de femmes ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires durant leur vie par rapport aux hommes (16% contre 12%). 

Les femmes envisagent et tentent donc plus de mettre fin à leurs jours alors qu’il y a davantage d’hommes qui y parviennent. Les chiffres étayent cette réalité: 1243 suicides ont été recensés chez la gente masculine contre 500 chez les femmes. 

Les raisons expliquant ces taux de suicides plus élevés chez les hommes semblent être essentiellement sociétales. Les hommes auraient davantage de comportements impulsifs par rapport aux femmes. Ils auraient aussi plus recours à des moyens violents pour mettre fin à leurs jours tels que les armes à feu, la pendaison ou encore les explosifs alors que les femmes privilégieraient plus l’ingestion médicamenteuse. En outre, les femmes seraient plus à l’abri de l’isolement affectif et social en raison du fait qu’elles s’impliquent, toujours à l’heure actuelle, davantage au sein de la sphère familiale. Enfin, il apparait que les hommes ont plus de difficulté à demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin et utilisent également moins les services médicaux et les services d’aide. 

Critère de l’âge

Les personnes les plus touchées par les comportements suicidaires sont les adolescents et les personnes âgées. On recense, en effet, un nombre important de tentatives de suicide à l’adolescence et de suicides aboutis chez les personnes âgées. Ainsi, chez les jeunes de moins de 25 ans, on relève 100 à 200 tentatives de suicides. Concernant les personnes âgées de plus de 65 ans, les suicides concernent 1 personne sur 2 ou 3.  

Critère du niveau de diplôme 

Les comportements suicidaires sont également liés au niveau d’instruction des personnes concernées. Les personnes les moins formées ont 1,5 fois plus de risque de penser au suicide au cours de leur vie que les personnes ayant reçu le niveau d’instruction le plus élevé. D’après une enquête réalisée en 2008, il y a davantage de tentatives de suicide au sein des personnes les moins scolarisées. On en recense ainsi 6,7% au sein du groupe de personnes ayant reçu le moins de formation contre 4,1% des diplômé-e-s de l’enseignement supérieur. 

Evolution des effectifs: Le taux de mortalité lié au suicide est stable chez les hommes et a tendance à diminuer chez les femmes, en tout cas, en Wallonie. On relève ainsi un taux équivalent à 0,33 chez les hommes et un taux qui est descendu de 0,14 en 1989 à 0,10 en 2004 chez les femmes. 

 

  • Avec environ 8 500 décès par suicide par an, la France présente un taux de suicide plus élevé que la moyenne européenne. Il s’agit donc d’un problème majeur de santé publique dont l’impact en termes humains et économiques est important. A ce chiffre, il faut ajouter environ 100 000 tentatives de suicide donnant lieu à un contact avec le système de soins par an. La France fait donc bien partie des pays européens les plus touchés par ce fléau.
  • Les chiffres sur les suicides sont fournis en France par le CépiDc de l’Inserm (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès). Les données de mortalité sont issues de la déclaration et de la codification des causes de décès. Elles sont collectées de manière officielle et régulière en France depuis 1968. 
  • Nous présentons ci dessous les tableaux des effectifs des décès par suicides du CépiDc de 2010 à 2016, suivant l’âge et le sexe:

Voici le graphe de l’évolution de ces effectifs durant cette période: 

  1. Globalement, même s’il reste élevé, le nombre des suicides connaît une baisse tendancielle en France: entre 2010 et 2016, le nombre de décès par suicide a diminué de 18,4%.
  2. Le nombre de suicides d’hommes est beaucoup plus important que celui de femmes. En 2016, les hommes décédés par suite d’un suicide représentent 76,5% des décès par suicide, les femmes 23,5% soit plus de 3 fois moins. 
  3. Le taux de décès par suicide est de l’ordre de 14 pour 100 000 personnes en 2014; selon le sexe avec 6 780 suicides d’hommes, il est de 21/100 000 et avec 2 253 suicides de femmes, il est de 7/100 000. 
  4. Les suicides constituent environ 2% de l’ensemble des décès, mais ce pourcentage diffère selon les tranches d’âge. 
  5. La sous estimation de ce type de décès est évaluée par les épidémiologistes à environ 10%. 

Les tentatives de suicides (TS) en France: 

  • Une publication thématique de 2019 du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) publié par Santé publique France rapporte que : « près de 5% des 18-75 ans de la population générale déclarent avoir pensé à se suicider au cours des 12 derniers mois et plus de 7% déclarent avoir fait une TS au cours de sa vie. Les femmes étaient plus touchées que les hommes. Plusieurs facteurs associés aux comportements suicidaires y sont identifiés: avoir eu un épisode dépressif, avoir à faire face à des situations financières difficiles, le fait d’être célibataire, divorcé ou veuf, l’inactivité professionnelle, l’exposition aux violences, ainsi que les évènements traumatisants dans l’enfance ».
  • L’exploitation des données du PMSI-MCO (Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie et obstétrique) permet de suivre les nombres et taux d’hospitalisation pour TS. L’analyse de ces données est circonscrite aux tentatives de suicide hospitalisées dans les services de médecine et chirurgie, incluant les séjours en unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD) des services des urgences. Toutefois, elle ne prend pas en compte les patients passés aux urgences après une tentative de suicide mais non hospitalisés, ni ceux qui sont hospitalisés en psychiatrie, directement ou après leur passage aux urgences, sans hospitalisation préalable dans un service de médecine. En effet, les hospitalisations en établissement psychiatrique après une tentative de suicide sont mal renseignées dans le système s’informations hospitalier. 
  • Le nombre de séjours hospitaliers pour TS dans les établissements de courte durée était de plus de 100 000 par an entre 2008 et 2011. A partir de cette date, ce nombre a diminué progressivement, atteignant un peu moins de 89 000 hospitalisations en 2016 et 2017. 
  • La part relative des femmes hospitalisées pour TS est passée de 63,5% en 2008 à 61,1% en 2017, réduisant ainsi un peu l’écart entre les deux sexes. Mais le nombre des TS reste beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes, à l’inverse du nombre des suicides. 

  • Si l’on examine maintenant le taux d’hospitalisations pour TS selon l’âge et le sexe (schéma ci-dessous) on constate que quelle que soit l’année étudiée, les taux d’hospitalisation pour TS par âge sont plus élevés chez les femmes que chez les hommes, sauf au-delà de 85 ans. 
  • Cette analyse confirme la situation préoccupante pour les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans. C’est dans cette population que le taux le plus élevé est systématiquement observé quelle que soit l’année. 

  • Les Baromètres santé sont des enquêtes périodiques, menées depuis 1992, qui visent à mieux cerner les connaissances, les attitudes, les croyances et les comportements des Français en matière de santé. D’après le Baromètre santé de 2017, 7,2% (n=1 742) des 18-75 ans déclaraient avoir tenté de se suicider au cours de leur vie (9,9% des femmes vs 4,4% des hommes) et 0,39% (n=75) au cours des 12 derniers mois (0,29% des hommes vs 0,48% des femmes). 
  • Les principales raisons déclarées par les personnes pour expliquer leur geste étaient: « familiales » (49,2%; 37,7% des hommes vs 54,1% des femmes), « sentimentales » (40,8%; 46,5% vs 38,5%), « professionnelles » (10,3%; 15,6% vs 8,1%) et liées à leur état de « santé » (10,3%; sans différence significative selon le sexe). Ces « raisons familiales » ou « sentimentales » peuvent bien entendu recouvrir assez fréquemment sans doute, et d’une façon assez pudique, un contexte de conflit au sein du couple. 
  • Par ailleurs, cette étude montre que les évènements de vie traumatisants, les problèmes intrafamiliaux et les violences sexuelles sont fortement associés aux TS au cours de la vie. Ainsi, selon l’ordre d’importance, les violences sexuelles subies au cours de la vie multiplient par 3,5 chez les femmes le risque de TS, les climats familiaux violents par 2,2 pour les deux sexes. 
  • Si l’on examine les comorbidités associées à ces TS dans les données du PMSI-MCO, les pathologies le plus fréquemment notées sont la dépression (32% des séjours – 34% chez les femmes, 29% chez les hommes), les troubles mentaux et du comportement liés à l’alcool (23% des séjours – 18% chez les femmes, 32% chez les hommes) et les troubles anxieux (10% des séjours – 11% chez les femmes, 9% chez les hommes). Il est à noter que d’autres troubles psychiatriques sont plus rarement notés: troubles psychotiques (3%), troubles bipolaires (2%), troubles de l’alimentation (0,7%). On peut donc noter que les troubles que l’on retrouve le plus fréquemment chez les femmes ayant fait une TS (anxiété, dépression, comportements liés à l’alcool) sont aussi ceux que l’on retrouve comme conséquences des violences subies par les femmes au sein de leur couple.

Retour sur le lien de causalité: 

  • Catherine Le Magueresse, juriste, chercheuse associée à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne et ancienne présidente de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), estime dans un article de Slate que : « les violences conduisant au suicide ou à une TS doivent être reconnues comme des féminicides et punies spécifiquement ». 
  • « Dans ce contexte, le suicide a pour auteur non pas la victime, mais l’agresseur, avance la spécialiste. Il faut remettre le focus sur le responsable, qui est l’homme violent. Ce n’est plus un suicide, car il est provoqué. Il y a un lien de causalité: s’il n’y avait pas eu ce comportement là, elle ne serait pas morte. A ses yeux, c’est ce lien de causalité qu’il est essentiel de reconnaître, au même titre que d’autres déjà pris en compte dans la loi. « Si je pousse quelqu’un dans la rue, que la personne tombe, se prend le bord du trottoir et en meurt, cela va être poursuivi et pénalisable sous l’infraction « violence ayant causé la mort sans intention de la donner ». Pourquoi, quand une femme se tue à cause de violences psychologiques, voire physiques et sexuelles, qu’elle a subies, ce lien de causalité n’est-il pas pris en compte? », interroge-t-elle. 
  • L’article de Slate précise que pour la juriste, la solution retenue par le Grenelle des violences conjugales serait la plus efficace pour incriminer le suicide de la conjointe ou du conjoint: « L’avantage de la circonstance aggravante, c’est que l’on n’a pas à prouver l’intentionnalité du conjoint de conduire l’autre au suicide, contrairement au délit existant de « provocation au suicide » – puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Là, si le suicide dans un contexte d’harcèlement est constaté, la circonstance aggravante est appliquée. »
  • « La question du harcèlement moral au travail est aussi assez récente. Il a fallu combien de suicides pour que ce soit reconnu? Et puis c’était quasi exclusivement des hommes. Quand un homme se suicide, c’est une vraie violence, alors que quand c’est une femme, on met ça sur le compte de sa fragilité », dénonce la juriste. 
  • Ce sont plus de 700 000 suicides qui sont comptabilisés à travers le monde en 2019, selon les derniers chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit un mort toutes les quarante secondes. Le suicide est un phénomène mondial, mais en effet, 77% des suicides se sont produits dans les pays à revenu faible ou intermédiaire en 2019. Le suicide représentait 1,3% de tous les décès du monde, ce qui en fait la 17e cause de décès en 2019. Il était la quatrième cause de décès chez les 15-29 ans dans le monde en 2019. Il faut encore remarquer que le nombre des TS est généralement 20 fois plus élevé que le nombre de suicides. 
  • Les raisons évoquées de ces décès sont diverses, suivant les pays, de l’accès libre aux armes à feu aux Etats-Unis à l’excès d’alcool en Russie. Mais, il ne faut surtout pas oublier, rappelle l’OMS, que le taux de suicide est bien plus fort au  sein des pays à revenu faible. Il faut aussi évoquer la situation spécifique des femmes qui dans de nombreux pays sont enfermées dans un système patriarcal pesant qui peut s’avérer mortel pour elles. 
  • Ainsi, le suicide touche les hommes près de trois fois plus que les femmes en France, c’est loin d’être le cas dans des pays comme le Bangladesh, le Lésotho (en Afrique du Sud) ou Myanmar (l’ex-Birmanie), où les femmes se suicident davantage que les hommes. Enfin, le pays où le nombre de suicides de femmes est le plus considérable est l’Inde avec 72 935 décès de femmes en 2019, soit un taux de 11,1 pour 100 000 femmes. Les quelques pays qui un taux standardisé sur l’âge plus élevé concernant la mortalité par suicide pour les femmes sont le Lésotho (34,6), la Guyane (17,0) et le Surinam (11,8). 
  • Ci-dessous, nous fournissons la carte mondiale publiée par l’OMS fondée sur le taux standardisé sur l’âge de la mortalité par suicide des femmes en 2019: 

  • Un article du The Lancet public health publié en 2020, établi que 37% des femmes qui se suicident dans le monde vivent en Inde. Les punitions abusives, les mariages forcés, les agressions systémiques, les viols, les crimes d’honneur et tous les types de violence faites aux femmes ne manquent pas pour rendre compte de l’oppression que subissent les femmes indiennes. 
  • Plus proche de nous, au Maroc, les inégalités entre femmes et hommes sont criantes quand on les examine sous l’angle des suicides. Sur 1 013 cas des suicides enregistrés en 2016, 613 concernant des femmes. Un pourcentage très élevé, mais pas si étonnant, lorsque certains faits divers témoignent de la façon dont les droits des femmes sont peu respectés au Maroc : fréquence élevée des violences conjugales, harcèlement sexuel dans les rues et sur les plages ou encore interdiction de l’avortement qui induit des formes de répression auto-infligées. 
  • Le rapport de l’OMS sur les suicides dans le monde (2019) indique que : « Alors que le lien entre le suicide et les troubles mentaux (en particulier, la dépression et les troubles liés à la consommation d’alcool) est bien établi dans les pays à revenu élevé, de nombreux suicides surviennent de manière impulsive en période de crise avec une perte de capacité à faire face aux stress de la vie, tels que les problèmes, rupture relationnelle ou douleur et maladie chroniques. De plus, vivre un conflit, une catastrophe, de la violence, des abus ou une perte et un sentiment d’isolement sont fortement associés au comportement suicidaire. Les taux de suicide sont également élevés parmi les groupes vulnérables victimes de discrimination, tels que les réfugiés et les migrants, les populations indigènes, les personnes gays, lesbiennes, bisexuelles, transgenres, intersexes (LGBTI), et les prisonniers ».
  • Ce qu’il faut retenir de ces chiffres, c’est que les phénomènes du suicide et des TS sont des faits sociétaux mondiaux majeurs, mais avec des caractéristiques différentes. Ainsi, le pourcentage de TS attribuable, comme cause principale, aux violences au sein du couple va être différent entre les grandes régions culturelles et géographiques. Le taux que nous allons déterminer dans l’onglet « les suicides en Europe » est sans doute un taux bas par rapport, par exemple, à la région de l’Asie du Sud-Est (au sens de l’OMS) d’après les données de mortalité en notre possession et les contextes culturels que nous percevons encore plus défavorables aux droits des femmes. 


Remarques: 

  • La Belgique est l’EM le plus touché par le phénomène des suicides chez les femmes avec un taux standardisé de 9,51 pour 100 000. La France avec un taux 5,86 se situe légèrement au-dessus de la moyenne (4,96). 
  • La variabilité de ce taux est importante entre les différents EM, puisque la Belgique a un taux plus de 8 fois supérieur au taux de Chypre. 
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